Ce mois-ci, j’ai l’honneur de vous présenter le très talentueux VanDan. Entièrement autodidacte, ce dernier n’hésite pas à expérimenter diverses approches de la photographie. Découvrons ensemble sans plus tarder une personnalité hors du commun.
Bonjour VanDan, pourrais-tu te présenter ?
Salut Calogero, je m’appelle Danny et j’ai 25 ans, mais pour mes projets artistiques j’ai adopté le pseudonyme VanDan. Je vis actuellement en région parisienne depuis peu, j‘occupe un poste d’assistant digital. Je viens à l’origine de la Côte Basque (Bayonne). En ce qui concerne mon parcours, je n’ai aucune formation artistique ; j’essaie de tout apprendre sur le tas en autodidacte (que ce soit pour la musique ou la photographie). Mon intérêt pour la photographie est assez récent : j’ai commencé à apprendre les fondamentaux lorsque mon frère m’a chargé l’année dernière de couvrir son mariage alors que je n’avais aucune notion (rire).
Comment as-tu découvert la pratique de l’argentique et quelles sont les raisons qui t’ont poussé à créer une chaîne YouTube ?
Je dois cela à ma curiosité que je remercie au passage. Plus sérieusement, j’étais tombé sur une annonce pour un Canon A-1 tout équipé (moteur, flash, deux objectifs) pour une poignée d’euros (vingt-cinq si mes souvenirs sont bons). L’appareil était défectueux, car il n’avait pas été utilisé depuis plus de quinze ans ! Je l’ai tout de même acheté. En suivant des conseils pêchés à gauche et à droite sur le net, j’ai réussi à le réparer. Quelle joie immense lorsque j’ai enfin réussi à le faire renaître. J’avais là entre mes mains mon tout premier boîtier argentique.
En démontant l’appareil, j’avais été impressionné par la complexité du mécanisme (qui m’a fait penser aux montres mécaniques). L’attrait pour l’univers de l’argentique s’est donc fait via l’objet et non pas via la photographie en tant que telle : j’ai toujours trouvé magnifique la gueule qu’avaient les boîtiers de l’époque. Le fait de se dire qu’un objet datant d’avant ma naissance puisse traverser le temps et qu’il soit toujours fonctionnel, le fait également de se dire qu’il ait pu passer dans plusieurs mains, qu’il a permis de capturer des scènes d’une époque que je ne pourrais jamais connaître, je trouve qu’il y a un côté magique dans tout cela.
Mais bon, c’est bien beau d’avoir un bel objet, mais à quoi bon si l’on ne s’en sert pas ? C’est donc comme ça que j’ai commencé à apprendre et m’intéresser davantage aux différents aspects techniques et artistiques liés à la photographie argentique.
Ma chaîne YouTube avait été créée bien avant que je commence la photographie. À la base, le contenu de la chaîne était exclusivement dédié à la musique, une espèce de fourre-tout. La plupart des vidéos sont des morceaux que j’apprécie et que personne n’avait mis en ligne. On y retrouve également quelques-unes de mes musiques. Mais dernièrement, elle a légèrement dévié. Comme tu as pu le voir, je poste désormais des vidéos dédiées à la photographie argentique.
Ta chaîne YouTube met en avant un concept appelé « One day, on film ». Peux-tu nous en parler ? Quel message désires-tu faire passer ?
En effet, One Day On Film pour une journée sur pellicule. Le concept est simple : je me fixe un jour pour exposer une pellicule entièrement. Au fil des épisodes, j’ai commencé à offrir une vue à la première personne en fixant une caméra sur l’appareil photo pour ainsi pouvoir montrer comment je procède durant mes prises de vue. Comme un jeu, je me fixe des règles/défis : limite de temps, pose longue, ou double exposition (hasardeuse) visible dans l’épisode numéro douze.
Ces épisodes sont avant tout pour moi un exercice (je photographie assez peu à vrai dire en dehors de ce cadre). C’est également un moyen de suivre ma propre évolution, revoir chaque prise de vue, analyser et comprendre ce qui a marché ou pas depuis le début. Dans le premier épisode, mes toutes premières photos y sont affichées, c’était également la première fois que je développais moi-même une pelloche.
Mais en partageant mon expérience, je souhaite aussi susciter de l’intérêt auprès des visiteurs qui tombent sur mes vidéos afin de leur montrer qu’un débutant comme moi est capable d’utiliser un appareil argentique, de préparer ses propres pelloches et de les développer dans sa cuisine ou ses toilettes. Bref, leur montrer que l’argentique c’est plus facile que ce qu’on le croit, leur donner le déclic afin qu’ils sautent le pas et qu’ils s’y mettent à leur tour. Ça serait sincèrement la plus belle des récompenses que je puisse recevoir.
Peux-tu nous expliquer ton approche de la photographie de rue ?
Je vois la rue comme un terrain de jeu. J’adore observer les gens, essayer d’imaginer leur vie, imaginer des scènes en fonction du cadre et du décor et capturer des moments anodins. Outre l’aspect humain, j’aime travailler avec les lignes et les formes qu’offre la rue. Par ailleurs, je prends énormément de plaisir à me promener dans le métro, souvent je me laisse perdre dans le réseau en choisissant au hasard une ligne ou un arrêt. J’apprécie la diversité des personnes que l’on peut y croiser et l’ambiance « souterrains ».
J’ai remarqué une certaine attirance de ta part pour le « bruit » caractéristique au vinyle, et le grain argentique. Ce « bruit » se retrouve dans tes morceaux (Melting Jazz et Cry to me), peux-tu expliquer cet attrait ?
Houlà ! Tu nous sors du dossier ! En effet, dans la musique le bruit ne me déplaît pas, loin de là. Je trouve qu’il donne une dimension supplémentaire au son : quelque chose de plus humain en apportant une touche chaleureuse (un peu comme le craquement d’un feu de bois). C’est limite apaisant. En photographie, avoir l’image la plus nette possible ne m’intéresse pas. Bien au contraire, j’aime les imperfections c’est pourquoi le grain m’attire. D’ailleurs, je pousse souvent la sensibilité pour en obtenir davantage. Reproduire à l’exactitude la réalité a peu d’intérêt : la réinterpréter est plus intéressant à mon sens. J’aime lorsque qu’une photo peut être comparée à une peinture en termes de rendu.
J’ai également constaté ta passion pour la musique électronique et en même temps la photographie argentique. Est-ce que tu perçois les deux approches comme antinomique ou complémentaire ?
Je ne suis pas un fervent puriste défenseur de l’argentique/analogique qui se bat contre le numérique (même si en photographie, je prends énormément plus de plaisir à déclencher en argentique). Raisonner en opposition n’a pas de sens. Chaque support a ses avantages et ses inconvénients. Pouvoir les combiner offre des possibilités supplémentaires, alors pourquoi choisir uniquement l’un ou l’autre ? Ce serait se mettre des bâtons dans les roues en terme de créativité. En ce qui concerne la musique, il arrive que j’utilise des échantillons même lorsque je fais de l’électronique, là encore pourquoi se limiter ?
Mais bon, s’il fallait associer la photographie argentique à la musique, je choisirais le jazz. Je trouve que Mal Waldron – Quiet Temple correspond parfaitement avec la photographie de rue en noir et blanc
Tu es un adepte des développements peu conventionnels (stand dev), peux-tu nous en parler ? Qu’est-ce qui motive ce choix ?
J’ai commencé le développement avec du Ilford ID-11, mais je n’ai pas été satisfait du résultat : les images manquaient de dynamisme et les zones sombres étaient pauvres en détails. Ces problèmes étaient sans doute également dus à un scanner de moindre qualité que celui que je possède actuellement. Bref, là encore ma curiosité m’a poussé à me procurer du Fomadon R09, je voulais voir comment une image pouvait rendre avec ce procédé. Pour ceux qui ne savent pas en quoi consiste le Stand Development, c’est très simple. Il suffit de préparer une solution très diluée (généralement une unité de développeur pour cent unités d’eau, soit 1:100) et de le verser dans la cuve. Pas besoin de l’agiter. Laisser mijoter une heure avec un retournement à trente minutes (pour éviter les traînées de bromure) et il n’y a plus qu’à rincer et appliquer du fixateur. La photographie argentique est connue pour inculquer la patience, le Stand Development en fait partie.
J’ai adopté ce type de développement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je trouve que le rendu comparé à l’ID-11 est meilleur de manière générale. D’autre part, cela permet de générer pas mal d’économie. En effet, une bouteille de Fomadon permet de développer un nombre important de pellicules (pour une bouteille de 250 mL, si mes calculs sont bons, on peut en développer plus de 80 ou plus de 160 si la dilution est de 1:200). Et vu que l’on n’a pas besoin de bain d’arrêt et que le fixateur lui est réutilisable, au final, tout se consomme lentement et ça, c’est bon pour le portefeuille héhé.
Enfin, je ne devrais pas te dire ça, car je pense que l’on va me regarder avec de grands yeux, mais j’ai pris l’habitude de changer de sensibilité en court de route. Par exemple, sur une même pellicule, je photographie à 400 ISO et lorsque ma vitesse est trop lente je monte jusqu’à 1600 voire 3200 ISO. Mais étant donné qu’une pellicule poussée à 400 ou 1600 ISO se développe toutes deux sur une heure, je me dis tant qu’à faire ! C’est peut-être une bêtise que je fais là, mais je suis plutôt satisfait du résultat.
Tu utilises principalement un Nikon F3 n’est-ce pas ? Pourquoi ce choix ?
J’ai pas mal déclenché avec mon F3 en effet. C’est le deuxième boîtier que je me suis acheté après le Canon A-1. J’ai voulu expérimenter Nikon pour me donner une idée. Là encore, mon choix s’est fait sur la gueule du boîtier. Je suis directement tombé sur le charme du design de cet appareil. Il s’avère qu’il s’agit aussi de l’un des meilleurs boîtiers professionnels argentiques de chez Nikon. Il a la particularité d’avoir un prisme amovible ainsi qu’un verre de visée interchangeable. Le fait également qu’il dispose de la priorité à l’ouverture m’a grandement aidé à débuter. Il s’est avéré très utile pour l’épisode numéro sept dédié à la pose longue où j’ai dû utiliser un filtre ND.
(Et pour en revenir au design, pour la petite anecdote si vous ne le savez pas, le designer du boîtier est Georgetto Giugiaro. La même personne qui a conçu la DeLorean. C’est lui qui est à l’origine du trait rouge caractéristique des boîtiers de chez Nikon ; ce trait je l’ai repris sur One Day On Film si vous remarquez bien).
Le seul aléa de cet appareil, son poids. Lorsque je rentre après une session, c’est la délivrance de pouvoir m’en séparer. Ces derniers temps, j’utilise davantage mon FM2, plus léger et maniable. N’ayant pas de priorité à l’ouverture, cela me force à faire plus attention à mes réglages.
Quels sont tes projets à venir ?
Assouvir ma soif d’apprendre ! J’ai acquis récemment mon tout premier moyen format, un Yashica 124G. Je compte monter ma petite caméra dessus le jour où je l’utiliserai pour la première fois et j’espère pouvoir en faire un épisode pour partager cette expérience avec vous. Par ailleurs, je n’ai encore jamais fait de couleur : ça sera là encore une nouvelle expérience pour moi. Enfin j’aimerais bien aussi découvrir l’art du tirage et pourquoi ne pas en faire à l’avenir (lorsque j’aurai plus de place). C’est le dernier maillon de la chaîne et j’aimerai bien le maîtriser ou du moins comprendre ses fondamentaux.
Où peut-on suivre ton travail photographique ?
Sur Instagram où je publie régulièrement des photos (soit des #OneDayOnFilm, soit du hors-série) et bien sûr les épisodes sont postés sur ma chaîne YouTube.
- Instagram : www.instagram.com/vandan_film_photography/
- YouTube : www.youtube.com/c/VanDan
Merci de l’intérêt que tu as porté à mon taff Calogero ! Merci également à Dans ta cuve qui m’a été très utile à mes débuts, j’ai pas mal appris grâce à vous via les différents articles et vidéos !
Longue vie à l’argentique !