Nous avons la chance d’accueillir dans nos pages le photographe Thomas Regdosz qui nous a récemment contacté afin de nous parler de son projet photographique « Îlot de Tison, Poitiers ». Laissez nous vous présenter à la fois le projet et l’auteur.
Bonjour Thomas. Peux-tu te présenter en quelques lignes s’il te plait ?
Bonjour. Je m’appelle Thomas Regdosz et je suis artiste dans le domaine des Arts Visuels avec plusieurs domaines : photo, vidéo/réalisation, peinture. La photo est le principal. Je suis basé à Poitiers et j’ai le statut d’artiste au près de l’administration depuis environ deux ans. J’ai trente trois ans.
Au niveau de mon parcours artistique, j’ai longtemps étudié le cinéma, puis une formation et médiation culturelle. Donc, je suis assez cinéphage. D’ailleurs, je suis bénévole dans un cinéma associatif.
Pour en revenir à la photo, je suis autodidacte au départ et depuis quelques années, je suis des cours à l’École des Beaux-Arts de Poitiers. (nb : je ne suis pas étudiant au Beaux-Arts.)
Depuis combien de temps pratiques-tu la photographie argentique ?
Donner une date précise n’est pas vraiment possible. Il y en aurait même plusieurs. Si on remonte au premier appareil acheté, ce serait un compact Konica Pop EF80, vers 1995/96 au collège. Si l’on prend le premier reflex acheté, ce serait un Olympus OM10 en septembre 2001 quand j’étais au Lycée, élève en section cinéma. Je retiendrais plutôt la seconde date : donc ça fait une bonne quinzaine d’années. À savoir que ce n’est pas forcément continue. Il y a eu des périodes d’arrêts plus ou moins longues liées souvent à des changements de boîtiers ou des réparations repoussées.
Pourquoi pratiques-tu la photographie argentique ? Quel est ou quels sont tes appareils photos de prédilection ?
Je reste très fortement attaché à l’argentique car cela nécessite d’accepter un certain nombre de contraintes. La première, je dirais que c’est la quantité possible de photos : on est limité par la longueur de la bobine de film. En général, 24 ou 36 pour le 24×36, et 12 au maximum pour le 120.
La seconde est le temps : le temps qui sépare la prise de vue et la photo développée. La troisième : c’est la question de l’archive, trace, ou mémoire. On peut l’appeler de bien des façons. Le film est un support qui n’a pas changé depuis son invention et qui, dans les bonnes conditions d’archivages, est stable dans le temps. Qui peut dire la même chose du numérique ? Je ne suis pas non plus anti-numérique : il a aussi ses avantages.
Pour mes appareils de prédilection, c’est sans aucun doute le FM2 que j’utilise principalement avec un 50 mm Nikon f1.8 série E ou un Vivitar 28 mm. C’est un boîtier robuste, léger, et assez peu encombrant. J’aime bien mon (vieux) Semflex pour l’imperfection que donne sa lentille, mais il est un peu limité au niveau de l’ouverture du diaphragme (f4.5).
Tu nous as contacté afin de nous parler de ton projet photographique « Îlot de Tison, Poitiers ». Pourrais-tu nous en dire plus s’il te plait ?
Pour situer un géographiquement l’Îlot de Tison dans Poitiers, il est vraiment au cœur de la ville. Depuis l’hyper-centre, on y est en un quart d’heure à pied. Sur le plan historique : c’est un moulin à farine dont on a la trace sur la carte de Cassini réalisée au XVIIIème siècle. L’activité remonterait au moins au Moyen-Âge. Le moulin a été transformé en scierie vers la moitié du XIXème siècle qui a fonctionné jusqu’en 1985.
Comment t’es venu l’idée de ce projet ?
Comme premier point de départ au projet « Îlot de Tison : Transformation et mémoire d’une friche industrielle », il y a des interrogations sur ce lieu. Depuis que j’habite à Poitiers, j’ai toujours vu ce lieu à l’abandon, en bord de rivière. Pendant longtemps, je me suis demandé ce que c’était. Puis, plus récemment, des articles sont parus dans la presse sur le projet de réhabilitation du site. Mon travail photographique est dans sa grande majorité une réflexion sur la ville. Je trouve que c’est un espace en transformation constante : un même lieu ne sera pas tout à fait pareil à deux moments de la même journée. Et puis, j’aime assez ces lieux un peu à côté/en marge.
Il y a aussi de mon côté une volonté de garder un trace de cette friche industrielle : l’une des dernières dans Poitiers. D’ici l’été 2018, ce sera devenu un parc. Tôt dans le projet, il est apparu que je devrai faire des recherches pour connaître l’histoire industrielle du lieu. Voilà, pour sa genèse.
Comment se déroule ton projet ?
Le projet a donc commencé, il y a un peu plus d’un an et devrait durer encore jusqu’à mi-septembre 2018. L’objectif étant de proposer une exposition pour les Journées Européennes du Patrimoine 2018. Il y donc deux parties : la première, disons architecturale (la friche, le chantier, le parc) et la seconde sur la mémoire ouvrière.
Il y a eu une première phase de chantier à la fin du printemps 2016. Le chantier a véritablement commencé mi-juillet avec les travaux de terrassement. À la fin de la première semaine, le site était méconnaissable.
Dans les premiers temps, je suis allé faire des photos sur le chantier quasiment tous les jours. Aujourd’hui, j’y vais de manière un peu plus espacée.
Les dernières photos sur le site sont prévues pour l’été 2018 pour voir si les Poitevins se sont appropriés le parc ou pas encore.
À côté des prises de vue, il y a la recherche et la consultation d’archives. Et puis, je recherche aussi d’anciens employés pour réaliser leurs portraits et éventuellement, aussi, des entretiens.
Dans ton projet, il y a d’une part l’usage de la photographie argentique mais également d’autre part, l’emploi d’un appareil numérique (Nikon D610). Quelles vont être les places de l’argentique et du numérique dans ton projet ?
Au départ, ce qui était envisagé était, l’argentique pour la friche et sa déconstruction et une fois que les traces de la friche auraient disparu et le nouvel espace commencerait à apparaître, basculer en numérique. Chacune des technologies pour l’une et l’autre époque.
Dans la pratique, ce n’est pas aussi tranché que ça. Le projet a été commencé en argentique. A l’époque je n’étais pas encore équipé en numérique. D’abord en noir blanc 24×36, j’ai intégré la couleur en 6×6 (Kodak Portra 400) petit à petit. Même si l’argentique reste majoritaire pour le moment, je travaille aussi avec le D610 (35mm Nikor f1.8, 50 Nikor f1.8, et un 70-300mm). Il me permet de faire des photos dans des endroits où il n’y a pas assez de lumière pour l’argentique.
Le financement participatif est l’une des voies de financement possibles. Comment peut-on participer ? Pourquoi avoir choisi ce mode financement ?
Le financement participatif pour moi est une façon d’essayer d’impliquer des personnes que cela peut intéresser pendant la réalisation du projet : des riverains du lieu, ou aussi les personnes d’un certain âge qui ont connu le lieu du temps des guinguettes le long du Clain. Il y en avait une juste à côté. C’est pour çela que j’ai cherché une contrepartie, pour le financement participatif, qui ne soit pas purement artistique.
Dans le concept de financement participatif : il y a l’idée de participer, d’impliquer qui me plait beaucoup. Ça c’est mon côté médiateur.
Pour participer il suffit de se rendre sur la page du projet sur le site de Microcultures (basé à Poitiers) : https://v3.microcultures.fr/fr/projet/312
On choisit le panier, puis on suit la marche à suivre pour le paiement. Contrairement à d’autres plateformes il n’y a pas besoin de se créer de compte : une adresse mail suffit.
Hormis le financement participatif, quelles sont les autres méthodes où nous pouvons t’aider à réaliser ton projet ?
Déjà relayer le financement participatif c’est super ! Un sponsor de Kodak ?
Sur le projet, je bénéficie de l’accompagnement de l’équipe de Consortium Coopérative : la coopérative d’activité et d’emploi au sein de laquelle je développe le projet.
Après, si vous êtes en contact avec des lieux d’expos qui pourraient être intéressés par « Îlot de Tison : Transformation et mémoire d’une friche industrielle » ou mon travail de manière plus large, je suis interessé. J’ai réalisé dernièrement une série autour de l’étalement urbain et les zones pavillonnaires.
Dans ton projet, nous avons pu voir que tu allais utiliser du film Washi D « Sputnik ». Peux-tu nous dire pourquoi ce choix ?
Au début du projet, j’étais en pleine expérimentation des films proposés par Film Washi/Lomig Perrotin : j’ai fait des des photos avec la Washi, la S, et même la Z. Il y a eu aussi quelques Ilford Delta 400 que j’avais récupérées.
Auparavant, dans d’autre conditions, j’avais déjà testé la D et le résultat m’avait bien plu : sa gamme de gris, son contraste que je ne trouve pas forcément si fort et son grain. Et puis, avec 500 ISO, on a un film assez tout terrain qui permet de travailler dans à peu près toutes les conditions météo. Et puis se mettre une petite contrainte au niveau artistique, c’est toujours intéressant.
Lorsque ton projet sera terminé, prendra-t’il la forme d’un livre ou d’une (ou plusieurs) exposition(s) ?
Ce qui est envisagé depuis le départ, c’est une exposition pour Les Journées Européennes du Patrimoine dans un an. J’ai le projet d’installer quelques portraits d’anciens employés de la scierie en extérieur, dans le parc. Ça dépendra du nombre de portraits.
Le livre, c’est une bonne question, plusieurs personnes me l’ont déjà suggéré. À réfléchir. C’est un autre projet qui pourrait permettre de présenter plus de photos que l’exposition.
Comme dit plus haut : le but est de faire circuler l’exposition. J’ai déjà eu un premier contact avec un lieu qui serait potentiellement intéressé pour l’accueillir en 2019.
Nous tenons à remercier Thomas pour sa contribution et nous lui souhaitons de tout coeur d’atteindre la totalité de son financement participatif.
Pour suivre le projet : c’est principalement sur sa page facebook : www.facebook.com/erszo et sur ton compte Twitter : twitter.com/Thomas_Regdosz.
Et puis, il y a également son site internet www.erszo.net
Nous vous invitons également à faire un tour sur le reportage tourné par France 3 (en video).
D’autres photos :