Bonjour Maximilian ! Peux-tu te présenter ?
Je suis né en 1985 à Munich en Allemagne. J’ai une maîtrise en histoire américaine (culture et société) ce qui m’a permis de voyager entre Varsovie et Vancouver. La plupart de mes cours étaient en anglais, c’est pour cette raison que le contenu de ma chaîne Youtube est anglophone. Par ailleurs, j’ai un certain attachement pour le continent nord-américain.
Qu’est-ce qui te passionne dans la photographie ?
J’aime la sensation que me procure le déclenchement d’un appareil entièrement mécanique. L’idée de capturer un instant précis avec ce simple outil est un moment magique. Le processus chimique qui en découle est également passionnant. C’est une chose magnifique à mes yeux. De plus, j’aime montrer aux publics les différentes facettes d’une personne, comment je perçois la personne que je photographie. Très souvent le résultat est surprenant même pour le modèle en question.
Quelles sont les raisons qui t’ont poussé vers l’argentique ? Travailles-tu avec des appareils numériques également ?
Oui, je travaille également en numérique, mais je préfère l’argentique lorsque je dois réaliser des photographies de mode ou bien des projets personnels. C’est difficile à expliquer, mais les appareils argentiques permettent de créer une atmosphère spéciale lorsque je fais du portrait. L’argentique me ralentit et m’oblige à mieux réfléchir durant la prise de vue. Il y a vraiment quelque chose de magique lorsqu’on prépare une séance entièrement en argentique.
Peux-tu nous parler un peu plus sur ta manière de travailler ? Est-ce que tu as une philosophie particulière lorsque tu travailles avec un modèle ?
C’est une question difficile. Mon résultat est inconstant, il change et évolue rapidement au fil des séances. Dans tous les cas, je n’en suis qu’à mes premiers pas dans le monde argentique. J’ai encore beaucoup à apprendre. Néanmoins, si je devais donner un conseil, ce serait de toujours mettre la priorité sur votre idée narrative et le modèle. L’appareil, le type de pellicule utilisée et le processus de développement doivent participer à l’idée narrative, mais elle ne doit jamais être un élément déterminant. Durant la séance, l’appareil est pour moi un simple outil me permettant d’obtenir le résultat que je souhaite, de cristalliser l’atmosphère que je désire et de susciter la fascination de mon modèle.
Tu as fait une séance intéressante avec Hannah, j’ai particulièrement été intéressé par ton approche sur l’opposition positif/négatif, tristesse/joie. Comment est-ce que cette idée a germé en toi ?
C’était une idée qui est venue très naturellement grâce à l’endroit et la robe blanche suggérée par mon modèle (Hannah). À partir de là, j’ai commencé à réfléchir sur le rôle des femmes dans nos sociétés modernes, passant de la femme d’affaires intrépide à la princesse somptueuse pour un dîner. J’ai également eu de longues discussions avec une photographe sur la manière dont elle représente ses modèles. Dans une certaine mesure, j’ai essayé d’illustrer ces deux contrastes à travers Hannah et celle-ci l’illustre parfaitement à mon sens. Réfléchir à la façon de capturer ces femmes modernes joue un rôle important dans mon travail.
Ta chaîne Youtube a vocation à fournir une aide aux photographes passionnés par l’argentique peux-tu nous en dire un peu plus ? Quelles ont été tes frustrations lorsque tu as débuté en argentique ?
Faire ses propres erreurs en argentique est une part importante dans l’apprentissage. Quand j’essayais d’expliquer à des amis l’exposition (pousser et retenir), j’ai compris que la notion d’empirisme était cruciale. En effet, chaque photographe doit faire ses propres erreurs, c’est comme la vie finalement. Certains concepts peuvent être compris rationnellement, mais ils nécessitent une approche individuelle pour être bien assimilés. L’observation joue également un rôle très important dans l’apprentissage. La raison d’être de ma chaîne Youtube est de montrer et expliquer ce qui a été un succès ou non.
J’ai eu énormément de frustration à mes débuts, surtout avec les modes automatiques. Ce n’est que lorsque je me suis engagé à utiliser mes appareils en mode manuel, que j’ai compris l’importance des fondamentaux. De mon point de vue, c’est ce que je déteste dans les appareils numériques modernes : ils obscurcissent complètement notre façon de penser. Mon Leica M6 a vraiment été salutaire pour moi, c’est grâce à son utilisation que j’ai vraiment commencé la photographie.
Il semble que tu sois spécialisé dans le portrait. As-tu d’autres préférences ?
Je suis très orienté portrait c’est vrai, mais j’aime également la photographie de rue. Je pratique celle-ci pour améliorer mon œil. J’apprends à voir le monde et à mieux comprendre la lumière. De plus, mon expérience en tant que photographe de rue m’aide beaucoup à repérer des endroits d’exceptions pour mes futurs portraits. Je pense que l’on obtient une meilleure compréhension de ce qui sert d’arrière-plan et de comment la lumière tombe sur le sujet en pratiquant ce style de photographie.
Dans un futur proche, j’ai l’intention de m’orienter vers la photographie de paysage en grand format. Je trouve la photographie de paysage tout à fait fascinante (même si ce n’est pas trop ma tasse de thé, j’essaie toujours de combiner de sublimes paysages avec de beaux modèles).
Comment procèdes-tu pour le choix de tes pellicules ? Le fais-tu en fonction des modèles ? Pourrais-tu nous expliquer ta démarche ?
Alors, de mon point de vue, le choix de pellicule n’est pas seulement lié au modèle. L’effet recherché entre également en ligne de compte. J’ai une assez bonne connaissance de ce que la Kodak Portra peut offrir en termes de rendu. Pareil pour l’Ilford HP5+, la FP4+ et la Kodak TriX 400. J’adore utiliser la Portra pour des portraits et des séances de mode. Pour les photographies plus intemporelles et de nuit, je préfère utiliser la HP5+ ou la TriX poussées à 3200 ISO. Pour les portraits noir et blanc en plein jour, mon choix va vers la FP4+ ou la Fuji Neopan Acros légèrement surexposées. En ce moment, je suis en train d’explorer la Fuji Pro 160NS, la 400H, quelques Rollei et Lomography.
Quelle est la pérennité de l’argentique selon toi ? Est-ce que la pratique est vouée à disparaître ou au contraire à persister ?
Selon moi, la pratique argentique perdurera j’en suis certain. Je proviens de la génération numérique, j’ai eu mon premier ordinateur à 8 ans, j’ai appris à coder dans mon adolescence, et j’ai grandi avec une pléthore d’accessoires et d’outils électroniques. Pourtant, je préfère photographier en argentique. Je trouve que l’autofocus, l’auto-exposition et les autres gadgets ne sont d’aucune utilité dans ma pratique. Je prends plaisir dans un processus photographique où je dois prendre le temps pour réfléchir et prendre des risques. Avec le numérique, nous sommes dans une démarche plus sécurisante. Si un cliché est mal pris, nous le savons directement et la prise de vue est refaite. Je pense que le retour à l’argentique découle d’une réaction naturelle à l’agitation de notre temps.
Quelles sont les personnes qui t’inspirent au quotidien ?
Mes inspirations vont de Samuel Elkins et J. Konrad Schmidt, jusqu’aux légendes comme F.C. Gundlach, Lillian Bassman et Helmut Newton. Je suis particulièrement intéressé par le fait de combiner le regard traditionnel de la photographie noir et blanc avec notre époque, afin de lui apporter une part d’intemporalité.
Quelles sont tes ambitions futures ?
Pour le moment, j’acquiers un maximum d’expérience en argentique. J’ai l’intention de créer un ensemble de portraits représentatifs qui parle à mon public. J’aimerais également me lancer dans mes propres tirages argentiques. Je veux avant tout améliorer mon œil et comprendre l’entièreté du processus photographique. Mis à part ça, je n’ai pas vraiment de projet long terme.
Si tu avais un seul conseil à donner, quel serait-il ?
Le seul conseil que je puisse donner, c’est d’encourager les personnes à photographier selon leur désir. Faites-vous plaisir et tentez vos expériences. C’est la meilleure école à mon sens.
Vous pouvez retrouver le travail de Maximilian Heinrich sur son site internet et sa chaine Youtube.