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Ils ont la paroleInterview

Rencontre avec EMGK Photographie (Baptiste Plichon)

Aujourd’hui, nous avons l’honneur de vous présenter Baptiste Plichon.

Baptiste Plichon – Autoportrait

Bonjour Baptiste ! Qui es-tu ? Pourrais-tu te présenter aux internautes ?

J’ai toujours du mal à me présenter, mais je vais faire de mon mieux ! Je fais de la photographie depuis trois ans maintenant. À la base j’ai commencé en numérique, mais je me suis assez vite tourné vers l’argentique avec un Canon A-1. Depuis, ma pratique s’est de plus en plus développée vers ce médium. J’ai accumulé les boîtiers et aujourd’hui, je me concentre presque exclusivement à l’argentique. Je cherche d’ailleurs à me professionnaliser et propose des offres de séances photographiques voire de mariage tout à l’argentique.

À côté de ça, j’ai ouvert une chaîne Youtube il y a quelques mois, toujours pour partager cette passion de la photographie et de l’argentique. J’ai remarqué qu’il y avait peu de contenu vidéo en français dédié à la photographie argentique, en comparaison de ce qu’on peut déjà trouver en anglais. Alors j’ai sauté le pas ! Je publie à la fois des revues de boîtier et pellicules, mais aussi des vidéos de réflexion et d’analyse. J’aimerais enrichir le contenu avec des entrevues d’autres photographes.

Comment es-tu venu à la photographie argentique ? Pourquoi avoir privilégié ce médium plus qu’un autre ?

En réalité, c’est ma fiancée Jungle Argentique qui m’a donné le goût de la photo. J’avais acheté un reflex numérique pour faire de la vidéo, et elle m’a donné envie de m’en servir pour faire des photos. De son côté, elle ne pratiquait que l’argentique. Après environ un an de pratique numérique, j’étais arrivé à une sorte de blocage créatif, où faire les photos ne me procuraient plus autant de plaisir. C’est à ce moment que j’ai décidé de m’essayer à l’argentique, et que j’ai mis le doigt dans l’engrenage !

En réalité, l’argentique m’a permis de ralentir ma prise de vue, et de réfléchir à ma démarche photographique. Je trouve que c’est un médium qui met l’accent sur la prise de vue, là où le numérique oblige à beaucoup de post-traitement sur ordinateur. Je préfère au final m’amuser avec mes chimies au lieu de passer des heures sur Photoshop !

Je suis également tombé amoureux de l’esthétique argentique : les photos sont plus organiques, moins « cliniques ». Mais nous entrons là dans une histoire de ressenti un peu abstrait et pas toujours évident à démontrer.

Copyright Baptiste Plichon

Comment décrirais-tu ton style ? Quelle est la philosophie adoptée dans ta pratique argentique ?

C’est une question assez difficile. Je pense être quelqu’un d’assez prolifique. J’ai tendance à tester beaucoup de choses avant de m’arrêter sur un procédé ou une philosophie.

Dans ma pratique professionnelle, je travaille forcément beaucoup sur le portrait, et le reportage. C’est une pratique que j’aime beaucoup, puisqu’elle permet de se connecter avec d’autres personnes au travers de la photo, de donner son regard photographique sur d’autres êtres humains, ou sur des événements du réel, et de transformer, cette réalité au travers du travail du photographe. Dans cette pratique-là, je vois un peu la photo comme une fabrique à souvenir.

Ma pratique personnelle est un peu différente. En termes de sujet, j’ai beaucoup d’attrait pour tout ce qui touche à l’urbain et à sa mutation. Pour le coup, ça peut se traduire par de la photo de rue, du paysage urbain ou même du portrait. L’idée reste toujours pour moi de projeter mon regard sur un sujet, et de fixer ce regard par la photographie. J’ai plusieurs séries en cours que j’aimerais terminer cette année par des petites publications sous forme de Zine.

Quant à ma philosophie, c’est encore plus flou pour moi. Plus je pratique, plus j’essaie de développer une démarche, un propos photographique au travers de ma pratique globale, tout en continuant d’expérimenter. Je pense qu’il est important de continuer d’essayer de nouvelles techniques, qui sont autant de manières d’exprimer. Au final, ça contribue à enrichir ta démarche et ton propos.

J’ai remarqué ton attrait pour la double exposition. Comment procèdes-tu ? Quelle est ta démarche ?

Justement, on retombe un peu dans ce que j’expliquais sur ma démarche d’expérimentation. C’est un procédé que j’avais un peu exploré en numérique, mais qui est beaucoup plus amusant en argentique. J’ai été amené à l’explorer un peu plus dernièrement, d’une manière assez nouvelle pour moi. Je fais partie d’un collectif de photographe argentique sur Lille, le collectif 36 Proses. Au mois de septembre, nous avons tous travaillé sur le thème « Ceci n’est pas une photo ratée ». De mon côté, j’ai travaillé sur un objet photographique, une sorte de frise abstraite crée par des multiples expositions. Pour cette image, que je présente sous forme de planche contact, il y a une pellicule, exposée quatre fois. À la prise de vue, je n’avais aucune idée de ce à quoi ça allait ressembler au final ! C’est une forme que je vais continuer d’explorer.

Ce que j’aime dans la multiple exposition, c’est que cela permet de rajouter du sens à une image, de superposer deux messages, de complexifier la lecture de l’image sans la rendre illisible. Il y a également un petit côté aléatoire que j’aime assez.

Pour la démarche technique, l’avantage du Canon A-1 c’est son petit levier de multiple exposition qui permet de réaliser ce genre de vue assez facilement.

Copyright Baptiste Plichon

Tu as fait une vidéo sur l’avenir de l’argentique avec une réflexion sur la pérennité du matériel. Comment perçois-tu le marché de l’occasion sur le long terme ?

C’est un marché hyper versatile et sensible à la tendance. Quand je vois le prix de l’Olympus Mju II, j’hallucine ! Globalement, je trouve que le prix du matériel a bien augmenté, surtout pour les marques iconiques, comme Canon, Nikon et dans une moindre mesure, Pentax et Olympus. Mais on peut encore faire de bonne affaire sur des boîtiers plus récents, type Canon EOS, qui ont un style moins rétro, et qui sont pourtant de vraies perles en terme de fonctionnalité et de confort.

Je ne pense pas que les grands constructeurs se tourneront à nouveau vers la fabrication de boîtiers argentique « grand public ». Mais de petites compagnies annoncent de nouveaux reflex et/ou compact pour nos pellicules alors pourquoi pas ! Chez les grands, je verrais bien Kodak s’y essayer, après leur caméra super 8.

Fujifilm a récemment annoncé l’arrêt de nouvelles pellicules de son catalogue (Acros en format large, Natura 1600, etc.). Quel est ton avis là-dessus ?

Ce ne sont pas des pellicules que j’utilise, donc ça ne me touche pas personnellement, mais c’est toujours triste de voir des stocks disparaître. L’attitude de Fujifilm avec l’argentique est un peu étrange, entre le développement des Instax et l’arrêt des films classiques. Contrairement à Kodak, je ne pense pas qu’ils fabriquent encore du film pour le cinéma, et économiquement, avoir un catalogue aussi étendu que le leur n’est peut-être plus intéressant ? J’espère cependant que les arrêts ne vont pas se prolonger.

En parallèle, nous avons plein de compagnies plus petites qui émergent, et qui sont peut-être plus à même de satisfaire le marché de niche qu’est l’argentique aujourd’hui.

Dans une de tes vidéos, tu nous parles de l’influence des règles techniques. Qu’est-ce qui fait selon toi qu’une image se démarque d’une autre ? Qu’est-ce qu’une image bien construite de ton point de vue ?

Je pense qu’il est important de connaître certaines règles, mais pour moi, une photo réussie n’est pas simplement une photo qui respecte à la lettre toutes les règles de composition. Beaucoup de photographes contemporains se sont appliqués à détourner ou briser ces règles. C’est un cycle que l’on retrouve dans toute forme d’art.

Je pense qu’une image « bien construite », c’est une image avec un propos, ou du moins une intention, même si le cadrage peut être maladroit ou l’exposition mauvaise. Connaître les règles est essentiel, s’y conforter et les appliquer sans réfléchir est, à mon sens, peu dommage.

Copyright Baptiste Plichon

Est-ce que pour toi créativité et règles syntaxiques s’opposent ? Penses-tu qu’il est nécessaire de briser les règles syntaxiques pour sortir des sentiers battus ?

Je n’irais pas jusqu’à une opposition : je trouve simplement qu’aujourd’hui, beaucoup de photographes débutants cherchent à acquérir avant tout un savoir purement technique, qui masque un manque de réflexion sur la démarche photographie. Pour moi, la technique est un outil au service de la créativité : plus tu vas apprendre ou maîtriser des règles et des techniques, plus tu vas avoir d’outils pour être créatif, questionner ses règles et enrichir ta pratique. Les règles, c’est un peu comme un gros dictionnaire dans lequel tu peux piocher pour écrire ton propos. Mais personne ne lit le dictionnaire pour le plaisir : c’est un peu l’effet que me font les images techniquement parfaites, mais sans propos ni démarche.

Quelles seront les prochaines évolutions majeures de ta chaîne ? Vers quoi t’orientes-tu ?

Comme je le disais, j’aimerais beaucoup inviter d’autres photographes à participer, par le biais d’entrevue, ou d’invitation sur ma chaîne. D’ailleurs, j’en profite pour faire une annonce,  s’il y a des intéressés parmi les lecteurs, n’hésitez pas à prendre contact avec moi !

Ensuite, continuer les vidéos de réflexions, partir en immersion sur le terrain avec mon appareil. Mais ça demande une organisation et du matériel que je n’ai pas encore !

Si tu avais un seul conseil à donner, quel serait-il ?

Faire continuellement des photos, réfléchir à ses images et sa démarche photographique. Ne pas hésiter à se remettre en question pour « se trouver ». Grâce à une démarche empirique, j’ai vu émerger les thématiques qui m’intéressent et je continue à les explorer aujourd’hui.

6 comments
  1. Desormeaux

    Merci pour ces conseils, cela encourage un vieux débutant comme moi qui se remet à l’argentique après l’avoir arrêté, il y a trop longtemps. Je redécouvre tout. Et cela grâce à des passionnés comme toi qui me giuident sur YouTube et sur ce site. Merci pour tout. Hervé.

  2. Ludo

    Merci pour cet article sur EMGK. Je suis cette chaîne depuis quelques temps. Elle est très intéressante et surtout change de ce que l’on peut trouver sur le numérique.
    Je me suis mis, il y a peu, à l’argentique …..et quel bonheur de faire des photos autrement, des photos plus vraies. Enfin c’est une autre philosophie de la photo ! Prochaine étape pour moi : le développement !
    L’argentique est mort..vive l’argentique !
    Continue Baptiste !
    Merci

    Ludo

  3. leclercq

    bonjour,
    je suis un tres vieux photographe amateur,
    j’ai participé à la création du photoclub de lille
    je suis avant tout argentique et la tendance actuelle du club est de privilegier le numerique
    ayant un labo chez moi ça me gonfle d user mes yeux sur un écran, alors qu’avec un agrandisseur et deux mains, c’est plus agréable….
    j’aimerais voir comment fonctionne un collectif….
    cela dit j’ai 70a et suis retraité… je ne frappe pas à la bonne porte?
    merci de votre avis

    1. Rémy

      Bonjour,
      Merci pour votre commentaire. En règle générale, les collectifs fonctionnent un peu comme les clubs photos mais sans les cours, les rencontres, etc … Ils définissent des projets ensemble et les réalise, soit en sortie photo, soit chacun de leur côté afin de trouver des expositions à faire.

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