Qu’évoque pour vous le nom de Lewis Carroll ? Pour beaucoup, comme pour moi, c’était l’auteur d’un conte pour enfant, « Les aventures d’Alice au pays des merveilles ». Mais saviez-vous qu’il était également photographe ?
C’est en me plongeant dans une édition bilingue du roman « Les aventures d’Alice au pays des merveilles » que j’ai découvert que Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, aimait particulièrement la photographie. Né en 1832, Charles développe très tôt, dès l’âge de 11 ans, un gout prononcé pour les arts et notamment l’écriture via la publication d’un journal familial. A l’âge de 24 ans, Charles devient professeur de mathématique au sein du Christ Church College à Oxford. Parallèlement, il publie son premier poème « Solitude » sous le pseudonyme de Lewis Carroll. Cette même année, il fait la connaissance des filles du doyen du Christ Church College, les filles Liddell. C’est à cette occasion qu’il achètera un appareil photographique, pour immortaliser les trois sœurs Liddell, dont Alice, qui lui inspirera « Les aventures d’Alice au pays des merveilles ».
Une grand partie de l’œuvre de Charles Lutwidge Dodgson reste un mystère. En effet, ses images représentent principalement des jeunes filles, plus ou moins dévêtues, dans des positions plus ou moins lascives. Les historiens ne sont pas tous d’accords sont les motivations du photographe. Est-ce une ode à la beauté enfantine victorienne ou alors un moyen d’assouvir platoniquement son affection pour les petites filles ? Quoi qu’il en soit, ces photos sont des mises en scènes, organisée avec l’accord des parents. Alice Liddell reste le fil rouge de ces photographies, puisque Charles l’immortalisera tout au long de sa vie. D’autres sujets se retrouvent également dans l’œuvre de Charles Lutwidge Dodgson, notamment des portraits d’adultes, des paysages, des portraits animaliers, etc.
Charles, en plus de photographier, effectuait également lui-même ses tirages sur papier albuminé. Il arrêta la photographie en 1880 lors de l’apparition les émulsions sur gélatine, qui remplacent le collodion humide. Charles estimait que cette nouvelle technique était trop simple et à la portée de tous.
Bien que les motivations de Charles Lutwidge Dodgson soient sujettes à controverse, son œuvre reste importante pour la compréhension de l’époque victorienne et des mœurs de cette bourgeoisie. Elle comprend plus de 3 000 images, produites sur près de 24 ans. Elle nous apporte également un autre regard sur l’œuvre littéraire et notamment sur ce personnage qui nous a vu grandir qu’est Alice.
Pour aller plus loin :
Lewis Carroll (Charles lutwidge Dodgson) Photography Collection
Une émission de Regardez voir en partenariat avec Fisheye sur Lewis Caroll.
Lorenzato
Petite contribution pour faire suite à cette introduction au monde de la photographie.
La photographie « moderne » nait vers 1841 avec la découverte par William Henry Fox Talbot du calotype, ce truc transparent, nommé « négatif » de nos jours. La Mission héliographique de 1851 utilisa ce procédé ; mais revenons à notre préoccupation première.
Charles Lutwidge Dodgson découvre la photographie en 1855 grâce à l’un de ses oncles et intègre vite et parfaitement la notion d’inversion des valeurs : le haut est en bas, la droite à gauche, le noir est blanc, le blanc est noir. Dès ses presque premières publications poétiques dans The Train (1856), il choisit le pseudonyme Lewis Carroll (en fait, c’est à la demande de Edmund Yates, le rédacteur-en-chef de la revue). Notons que « Carroll » est composé d’une consonne, d’une voyelle, puis de deux consonnes, une voyelle et enfin deux consonnes… tout comme Liddell (reproduction à l’identique) ; quant au prénom « Lewis », consonnes et voyelles par intermittence, comparable au prénom Alice… mais inversé comme les densités sur un négatif.
Lewis Carroll multipliera les clins d’œil à la photographie. Le phénomène d’agrandissement décrit dans Alice au Pays des merveilles où l’héroïne mange le pied d’un champignon et rapetisse, puis le chapeau du cryptogame pour grandir à nouveau. Dans De l’autre côté du miroir, nous traversons le dépoli de la chambre photographique pour découvrir un monde à l’envers… Ne cesseront ensuite les nombreuses allusions au medium dans toute son œuvre littéraire, y compris ce texte peu connu où notre auteur relate les difficultés d’opérer en extérieur (Un Photographe à la campagne, 1860).
Belle journée,
L.